Energie et transport

Nucléaire ou énergies alternatives : quelles seront les meilleures solutions pour faire face aux pics de froid hivernaux ?

Tribune de Yves Lenoir, physicien et conseiller des politiques énergétiques de Corinne Lepage. L’ensemble du système de production et consommation de l’électricité est engagé dans un bouleversement de longue durée. Pour nous, en Europe, ce bouleversement est largement influencé par les abandons de l’énergie atomique. Les stratégies pré-Fukushima, dites du « Grand retour du nucléaire » sont caduques.

Deux questions fondamentales se posent, celle de l’évolution du prix de la fourniture et celle de la réponse aux appels hivernaux de pointe, ceux que provoquent les vagues de froid, comme celle qui a envahi l’Europe entière depuis plusieurs jours.

Essayons de clarifier l’enjeu pris dans une perspective à moyen terme. La comparaison des prix entre une stratégie ancienne et singulière, celle du « le plus de nucléaire possible » de l’Etat français, et celle, récente et souvent citée en exemple, suivie par le Danemark va nous y aider. La part de la valeur ajoutée de l’industrie est sensiblement la même dans ces deux pays : 16 à 17%. Le climat joue plutôt en faveur de la France.

D’un côté un parc vieillissant d’énormes installations au coût d’entretien de plus en plus élevé, nécessitant des travaux de sécurisation considérables et reportant de grandes dépenses sous-évaluées, démantèlement et gestion des déchets radioactifs, dans un futur indéfini. De l’autre un paysage assez diversifié où la production électrique est assurée pour 30% environ par l’éolien, à terre puis off-shore, 5% par du biogaz brûlé dans des turbines à haut rendement et le reste par des centrales thermiques et de cogénération au charbon.

Récemment, pour justifier la poursuite indéfinie de la production d’électricité nucléaire en France, les responsables politiques au pouvoir, Président de la République, Ministres divers et variés, mais aussi les grands relais d’opinion, journaux, radios, télévisions, ont à de nombreuses reprises fait valoir l’argument que les centrales atomiques faisaient jouir les consommateurs français de l’électricité la moins chère d’Europe. Il a été répété quasiment à chaque fois que les Danois la payaient deux fois plus chère que chez nous. Effet d’épouvantail à moineaux (ou à pigeons…) garanti. Cette façon de présenter les choses est malhonnête et donne une idée complètement tordue des enjeux. Qu’on en juge !

Lorsqu’on compare les coûts du MWh des différents pays d’Europe, il faut le faire hors taxe ! En effet, l’électricité à usage domestique est taxée à 30% en France contre 120% au Danemark (histoire d’en faire le meilleur usage ! mais aussi en raison d’une assiette de la fiscalité portant davantage sur les taxes indirectes et pesant moins sur les entreprises ; ajoutons dans cette parenthèse que la balance commerciale danoise est bénéficiaire et le chômage inférieur à 5% : bref, l’électricité très chère ne semble pas trop pénaliser nos amis Vikings). Cela dit, la réalité des coûts de production de l’électricité basse tension est la suivante : 97 €/MWh en France en 2011 contre 122 €/MWh au Danemark, et non pas 127 contre 269, qui sont des prix TTC (toutes données rapportées dans le « Mémento sur l’énergie » publié chaque année par le CEA).