Tribune de Maxime Valéry Muller. La canicule de 2003, qui a touché l’Europe et la France en particulier, a démontré la déliquescence du lien intergénérationnel en France. Au delà du chiffre considérable de 14 000 morts imputés à cette vague de chaleur et au manque de réactivité des services gouvernementaux, les centaines de dépouilles non réclamées pendant des semaines posent la question de l’état de notre société et la nécessité d’une redéfinition du rôle de l’État : « La dignité humaine, principe à valeur constitutionnelle, n’est aujourd’hui pas respectée par la République. Il est inacceptable que l’État nie ainsi les valeurs les plus essentielles à la pérennité de ses citoyens à l’aube du 21ème siècle ».
Corinne Lepage considère qu’une revalorisation des trimestres de retraite doit être une priorité afin de contrebalancer le recul du lien intergénérationnel dans un contexte de vieillissement de la population. Un socle public fondé sur un crédit spécifique pourrait être crée afin de financer cette mesure. Un système d’assurances privées peut également compléter le pan de financement public : néanmoins, il est fondamental de ne pas tomber dans l’excès du système d’assurance anglo-saxon. La réduction des dépenses de l’État ne doit pas signifier une spoliation tout azimut de ses services publics par le secteur privé, à fortiori sur une question aussi fondamentale que la dépendance des personnes âgées.
Un modèle instructif, même s’il n’est pas parfait, est celui de la Suède : les personnes dépendantes ne financent que 4% de leurs besoins, l’ensemble des soins étant pris en charge par l’État. Comment expliquer cette tendance suédoise alors que le pays a subi, malgré une croissance annuelle à 6% en 2011, une crise structurelle de l’État-Providence entamée dès le début des années 90 ? La raison fondamentale s’avère être son taux d’imposition, qui est le plus élevé au monde avec la Norvège (47% contre 42% en France). Néanmoins, une autre explication, à méditer, est la force du tissu intergénérationnel qui est ancré au sein des mœurs suédoises : « il apparaît comme une nécessité de développer des projets intergénérationnels afin de stimuler le lien social entre les personnes âgés et les jeunes générations, vecteur fondamental de notre vie en communauté. ». En outre, une réaffirmation de ce lien pourrait permettre une meilleure insertion professionnelle des jeunes dans un contexte où le taux de chômage des 18-25 ans (25%) n’a jamais été aussi élevé.
La transmission du savoir et de l’expérience par les personnes âgées doit être complémentaire au rôle de l’école : elle contribue à l’apprentissage nécessaire au « vivre ensemble » et s’inscrit comme la garante de la durabilité de notre société.