Discours en plénière
Corinne Lepage, rapporteur. ? Monsieur le Président, vous avez raison, c'est un texte important parce que nos concitoyens attachent énormément d'importance à ce sujet.
Avant toute chose, je voudrais remercier très chaleureusement les rapporteurs fictifs qui m'ont énormément aidée dans la préparation de ce rapport.
La proposition de la Commission vise à permettre aux États membres qui le souhaitent d'interdire la mise en culture de tout ou partie des OGM sur leur territoire. La proposition initiale ne fixait aucun type de motif permettant de le faire, ce qui a donné lieu à un certain nombre de critiques d'ordre juridique.
Mon objectif a donc été de définir, au niveau européen, des règles communes permettant d'encadrer le processus d'opt-out. Un peu de subsidiarité s'impose, mais il faut bien l'encadrer de manière à ne pas détricoter les politiques communautaires que nous avons tant de mal à mettre en place. Mais il s'agit aussi de répondre aux souhaits des États, des nombreuses régions en Europe et des citoyens, encore plus nombreux, qui ne souhaitent pas que la culture des OGM puisse se développer sur leur propre territoire.
Nous avons donc établi trois catégories de motifs qui pourraient permettre d'interdire la mise en culture des OGM. D'abord, un premier motif sur lequel tous les groupes sont d'accord: les raisons environnementales complémentaires de celles qui sont évaluées au niveau européen. Elles sont complémentaires parce qu'elles ont trait à des aspects locaux ou des aspects systémiques de l'utilisation des OGM dans un contexte agronomique donné. Par exemple, la résistance de mauvaises herbes aux pesticides utilisés avec l'OGM.
La deuxième catégorie de raisons tient aux impacts socio-économiques. Le coût de la contamination ou des mesures à prendre pour la contrôler, pour les agriculteurs conventionnels et biologiques, ne doit-il pas être connu et pris en compte?
Enfin, il y a des raisons liées à l'aménagement du territoire et à l'utilisation du sol.
Tout en ayant parfaitement présente à l'esprit l'importance qu'il y a de donner un plein effet à la décision votée par le Conseil "environnement" de décembre 2008, réclamant à l'EFSA une meilleure expertise dans le domaine des OGM, nous souhaitons maintenir une gestion centralisée, mais laisser une marge de manœuvre aux États membres. Ceci sous-entend, bien entendu, que l'EFSA doit améliorer son travail dans la gestion des conflits d'intérêt au sein du panel OGM et dans l'évaluation des risques.
En second lieu, nous proposons un changement de base juridique, de l'article 114 à l'article 192, destiné à sécuriser les mesures prises par les différents États membres. L'objectif est, en effet, de ne pas entraîner les États dans des décisions qu'ils ne pourraient pas, ensuite, défendre dans de bonnes conditions devant des juridictions s'ils y étaient amenés par les producteurs d'OGM.
Enfin, il nous semble indispensable de rendre obligatoire l'élaboration de mesures sur la coexistence. La moindre des choses, si un pays souhaite autoriser la culture des OGM, est qu'il prenne les mesures nécessaires pour protéger les autres secteurs.
Un texte satisfaisant a été voté par la commission de l'environnement, mais il était nécessaire d'aller vers des solutions de compromis pour permettre le vote en plénière. Je regrette très vivement la position du groupe du PPE et de son rapporteur, parce que nous étions, en réalité, très proches les uns des autres et que nous n'avons pas pu trouver de solution de compromis.
Les amendements présentés au nom de mon groupe – le groupe ALDE – sont des amendements de compromis qui, j'espère, pourront être soutenus par tous les groupes, et même une grande partie du PPE. Ce sont des amendements qui sont une juste mesure – me semble-t-il – entre la nécessité de répondre aux souhaits des Européens et de la Commission et celle de maintenir, en même temps, un système centralisé sans, effectivement, découdre le marché intérieur. Mais l'essentiel est, effectivement, de donner la possibilité aux États, aux régions et aux citoyens qui le souhaitent d'agir dans le sens dans lequel ils le souhaitent.
Nous avons beaucoup parlé de démocratie ce matin. Le texte qui vous est proposé ici va, lui aussi, dans le sens de la démocratie européenne. Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas ce que nos concitoyens souhaitent. Nous devons le faire avec des règles de droit, en prenant en compte les besoins relevant de l'économie, de la santé, de l'environnement, et la demande démocratique est un impératif fondamental pour nous tous, députés européens.
Note d'explication avant le vote
Le Parlement européen examinera en première lecture le 5 juillet 2011, le projet de rapport Lepage (FRANCE, ALDE) sur les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Le rapport, présenté au nom de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire, se base sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture d'OGM sur leur territoire.
Le projet de rapport de propose trois mesures essentielles.
1) La clarification des motifs d’interdiction des OGM.
2) L'amélioration des procédures d'évaluation de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (AESA).
3) L'obligation pour les Etats-membres de mettre en place des mesures de "co-existence" entre culture OGM et non-OGM, et la possibilité pour les Etats-membres d'interdire des cultures d'OGM s'il s'avère qu'aucune mesure ne permettrait de protéger efficacement les agriculteurs conventionnels et biologiques de la contamination par des OGM.
1) La clarification des motifs d’interdiction des OGM.
La Commission européenne a proposé en juillet 2010, par l'intermédiaire de M Dalli, de réviser la législation communautaire existante en matière d'OGM, composée du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 et de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement. Cette modification prévoit notamment l’introduction d’un nouvel article, qui permettrait aux Etats membres de restreindre ou d’interdire la culture d’OGM, autorisés sur tout ou partie de leur territoire, pour des motifs autres que ceux couverts par l’évaluation des risques pour la santé et sur l’environnement. M Dalli précise que la Commission serait toujours saisie de l’autorisation de culture des OGM à un niveau global, mais qu'elle laisserait la responsabilité aux Etats membres de suivre ou non son avis.
La liste des motifs a été publiée en février 2011 par la Commission européenne :
- Le maintien de l'ordre public
- La préservation des cultures traditionnelles
- L'assurance pour les consommateurs de trouver des produits sans OGM
- Les préoccupations morales, philosophiques ou religieuses
- Les décisions d'aménagement du territoire et urbain
- La préservation des zones naturelles
Madame Corinne Lepage soutient l'objectif de la proposition de la Commission d’offrir aux Etats membres la possibilité d’interdire la culture d’OGM. Toutefois, elle juge que les motifs proposés ne sont pas suffisamment précis et que leur validité juridique est incertaine face à la Cour de Justice ou à l'OMC.
Ainsi, elle demande qu’ils soient complétés par la mention explicite de critères environnementaux, tels que la résistance aux pesticides, ou la protection de la biodiversité.
Par ailleurs, la rapporteur estime que des impacts socio-économiques liés à la contamination par la culture des OGM peuvent également constituer un motif légitime d’interdiction, par exemple, lorsque les risques de contamination d’autres cultures ne peuvent pas être maitrisés.
Enfin, la députée européenne estime que l'absence ou l'insuffisance des données relatives aux incidences négatives potentielles de l'OGM sur des écosystèmes ou des environnements récepteurs nationaux spécifiques, devrait être une raison suffisante pour permettre à l’Etat membre d’empêcher la culture d’une semence transgénique.
La mention explicite de ces motifs vise à clarifier la situation existante et à offrir aux Etats membres une base juridique précise pour motiver leur choix d’interdire la culture d’un OGM.
Une « base juridique solide » pour renforcer la protection des Etats
Le projet de rapport Lepage survient dans un contexte de débat nourri entre pros et antis OGM, et alors que l'opposition de l'opinion publique européenne à la culture de ces organismes ne cesse de progresser. Publié en octobre 2010, le dernier sondage baromètre sur la question révèle ainsi que 61% des Européens estiment que l'alimentation OGM « les rend mal à l'aise » et qu'ils sont en désaccord avec l'idée de son développement.
La méfiance de l'opinion publique explique que certains Etats affirment leur souhait d'interdire ce type de culture. Corinne Lepage relève d'autres motifs, tel que la diversité des écosystèmes et des pratiques agricoles en Europe, ainsi que l'insuffisance de données fiables sur les impacts locaux de la culture des OGM.
Rappelons, que seules deux cultures OGM sont actuellement autorisées au sein de l’Union européenne : le maïs MON810 du semencier Monsanto, autorisé en 1998 pour une durée de dix ans, et la pomme de terre Amflora du groupe allemand BASF, autorisée en mars 2010.
Selon la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, la mise en circulation des OGM ne relève pas du pouvoir des Etats membres, mais dépend d'une autorisation de la Commission, qui ne peut être délivrée qu'après réalisation d'une étude scientifique visant à identifier les risques pour l'environnement (principes de cette évaluation énoncés aux annexes II et III de celle-ci). Toutefois, le texte indique qu'un Etat peut s'opposer à cette décision en invoquant une clause dite de sauvegarde.
Définie à l'article 23 de la directive, celle-ci stipule notamment que : "lorsqu'un État membre, en raison d'informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l'autorisation a été donnée et qui affectent l'évaluation des risques pour l'environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, a des raisons précises de considérer qu'un OGM en tant que produit ou élément de produit ayant fait l'objet d'une notification en bonne et due forme et d'une autorisation écrite conformément à la présente directive présente un risque pour la santé humaine ou l'environnement, il peut limiter ou interdire, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire."
Au moins sept pays ont déjà utilisé cette clause de sauvegarde, tels la France qui a suspendu, en décembre 2007 et en février 2008, la culture du maïs génétiquement modifié MON 810. Néanmoins, , l'utilisation de cet outil reste soumise à l'approbation de la Commission et n’est donc pas juridiquement sûr pour les Etats qui l'invoquent, d'autant moins que l'AESA, qui donne les avis scientifiques (toujours positifs) sur les autorisations d'OGM, est peu incline à se déjuger ou à contredire ses avis précédents. Ces contradictions font de ces clauses une cible facile pour les pays exportateurs d'OGM devant l'Organe de règlement des différents de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
En actant dans une directive la possibilité d'interdire les OGM par les pays, la Commission leur offre le droit de refuser de cultiver des semences transgéniques, sans user d’une « procédure d’exception ». Toutefois, et à l'instar de la clause de sauvegarde, ce principe ne les prémunît en rien contre des recours devant l’OMC. C’est pour éviter cela que Corine Lepage insiste pour mentionner de façon explicite des motifs précis d’interdiction des OGM, dont des motifs environnementaux, ce qui permettrait aux Etats de disposer d’une base juridique solide justifiant clairement leur décision.
Une « base juridique solide » pour garantir le principe de souveraineté des Etats
La culture des OGM concerne des aspects territoriaux sur lesquels les Etats membres conservent de nombreuses compétences. Par ailleurs, l’évaluation des risques menée au niveau communautaire ne saurait être exhaustive, en ce sens qu’elle ne peut prendre en compte l’étendu des caractéristiques propres aux écosystèmes et pratiques agricoles en Europe. A la lumière de ces deux constats, Corinne Lepage estime qu’il est légitime d’offrir aux pays les moyens juridiques de garantir le respect de leur décision d'interdire la culture d'un OGM. Ceci permettra également de favoriser l'exercice du principe de subsidiarité tel que défini à l'article 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Une « base juridique solide » qui respecte les principes du marché intérieur
Corinne Lepage, à la suite de la Commission, précise que la modification de la législation sur la culture des OGM ne remet pas en cause le marché intérieur, puisqu'elle ne concerne que la mise en culture des produits sur le territoire des Etats membres, et non leur autorisation de mise sur le marché, et leur liberté de circulation.
2) Renforcer les procédures d'évaluation de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire
Le rapporteur s’inscrit en faveur du maintien du système communautaire d’évaluation et d'autorisation, assurées respectivement par l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (AESA) et la Commission.
Néanmoins, cette évaluation des risques prévue par la directive 2001/18/CE n’est pas pleinement respectée, et le rôle même de l’AESA ne cesse d’être critiqué. Dans ses conclusions du 4 décembre 2008, le Conseil dressait un bilan sévère des processus de surveillance et d’évaluation, indiquant "qu’à ce jour, aucune étude de surveillance n’a réellement été réalisée ; que les systèmes de contrôle ne sont pas en place et qu’aucune information n’a été donnée au public".
Le Conseil en appelait alors à un renforcement de l’évaluation environnementale et du dispositif de surveillance. En outre, il demandait à ce que le fonctionnement de l’AESA soit amélioré et que les résultats des études menées soient mis à la disposition du public.
Reprenant les mêmes conclusions, Corinne Lepage demande elle aussi une amélioration du fonctionnement de l’AESA, et le respect du processus d’évaluation des risques tel que prévu par la directive 2001/18/CE. Celle-ci prévoit une évaluation des risques directs et indirects, à court et à long-terme, ainsi qu'une reconnaissance réelle des incertitudes scientifiques, point crucial pour permettre une bonne gestion du risque et l'application éventuelle du principe de précaution. A cet égard, elle indique que la définition plus précise des motifs d’interdiction de culture d’OGM devrait aussi participer à ce renforcement.
3) Rendre obligatoire la règle de co-existence entre culture OGM et non-OGM
La culture éventuelle d’OGM sur un territoire a un impact économique supplémentaire sur les exploitants de l’agriculture conventionnelle ou biologique. A cet effet, le rapporeteur demande à modifier l’article 26 bis de la directive 2001/18/CE afin d’obliger les Etats à protéger ces secteurs et à prendre des mesures destinées à éviter la présence d’OGM dans d’autres produits, notamment dans les zones transfrontalières. Si, en fonction des territoires et des pratiques agricoles locales, une telle coexistence s'avère impossible ou trop coûteuse à mettre en oeuvre par rapport aux bénéfices attendus (ou à leur absence) de la culture d'OGM, Corinne Lepage propose également la possibilité pour les Etats-membres (ou les régions) d'interdire ces cultures d'OGM.
Le Parlement soutient la possibilité d'interdire la culture d'OGM au niveau national
Par : François Damerval le : 05/07/2011 14:35 (330 Lectures)|
Communiqué de presse
Corinne Lepage (CAP21, ALDE), rapporteur du Parlement européen sur la proposition de la Commission visant à permettre aux Etats membres d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire, se félicite du vote du Parlement en faveur de garanties juridiques plus solides pour les Etats membres. A l'issue du vote, Corinne Lepage a déclaré : "Je me réjouis que le Parlement soit arrivé à un accord sur un sujet aussi délicat, qui mobilise nos concitoyens depuis des années. Cet accord équilibré permettra, si le Conseil parvient à trouver une position commune, aux Etats et aux régions qui le souhaitent de ne pas cultiver d'OGM. Je regrette que la France ne se prononce pas en faveur de cette proposition, alors qu'elle tire pourtant les conséquences de la Présidence française de 2008. Je m'interroge sur l'arbitrage rendu entre la ministre de l'Ecologie et le ministre de l'Agriculture. Ce vote est un signal clair du Parlement envoyé au Conseil et à la Commission : il faut améliorer le système d'évaluation communautaire tout en reconnaissant que certains impacts agro-environnementaux, ainsi que les impacts socio-économiques liés à la contamination, peuvent être invoqués par les Etats membres pour justifier l'interdiction de la culture des OGM. La diversité des écosystèmes et des pratiques agricoles en Europe, ainsi que l'insuffisance de données fiables sur des impacts locaux, justifient que les Etats membres puissent légitimement interdire la culture d'OGM sur leur territoire. Par ailleurs, cette proposition leur permettra de disposer d'une base juridique plus solide pour ce faire, ce qui est une des principales préoccupations du Conseil vis-à-vis du texte initial de la Commission européenne. Notre proposition ne remet pas en cause le marché intérieur, elle permet aux Etats membres de réglementer la mise en culture d'OGM en fonction de conditions territoriales ou locales. Ce rapport devrait aussi pousser la Commission et l'ESFA à améliorer de manière significative les nouvelles lignes directrices sur l'évaluation des risques des OGM, conformément aux conclusions du Conseil de décembre 2008. Je tiens à saluer tous les rapporteurs fictifs pour leur esprit de compromis sur ce sujet complexe des OGM, qui divise tous nos groupes politiques." |












