Les nouveaux aliments, qu’ils soient d'origine végétale, animale ou issus de la recherche scientifique, et dont la consommation était autrefois limitée dans la Communauté Européenne, font aujourd’hui partie intégrante de l’innovation technologique et des produits de consommation courante. L’utilisation à répétition des nanotechnologies en est l’exemple le plus frappant, bien que controversée entre rapports officiels et certaines études conduites par des ONG et associations.
Si le dernier cri de la mode industrielle est donc aujourd’hui à l’usage de « nanomatériaux », leur présence dans de nombreux produits de consommation et emballages n’a rien de réjouissant pour les potentiels acheteurs, et pose même de sérieux problèmes relatifs à des questions de santé publique, voire éthiques. Car même si l’évaluation des risques des nanotechnologies est encore insuffisante, la dangerosité potentielle de certains nanomatériaux n’est pas un secret, et le peu d’études indépendantes conduites corrobore cette hypothèse.
En national, les Directions générales de la santé, de la prévention des risques et du travail n’ont d’ailleurs pas hésité à saisir certaines agences spécialisées pour conduire des expertises. C’est ainsi que l’AFSSET (Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail), dans son avis du 17 mars 2010 relatif à « l’évaluation des risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et dans l’environnement », insiste sur la toxicité de certains nanomatériaux, dont les incidences sanitaires pourraient être comparées à celles de l’amiante.
Malgré les possibles risques sanitaires et plausibles retombées sur la santé publique, rien ne permet pourtant aujourd’hui de cibler précisément les produits concernés, puisqu’aucune procédure d’autorisation préalable ou d’étiquetage n’a encore vu le jour. Un vide juridique inacceptable pour la protection du consommateur qui, du fait de l’absence de transparence quant à l’utilisation de nanotechnologies, ne peut être tenu informé de leur présence dans les produits de consommation et emballages.
Une position fermement défendue par Corinne Lepage en ce 7 avril, qui a réclamé que soient développées les méthodes d’évaluation spécifique pour les nanotechnologies, et exigé du Conseil qu’il prenne au plus vite compte des risques encourus en terme de santé publique.
Le même Conseil, de concert avec la Commission, a laissé entendre le souhait d’inclure au Règlement « Novel Food » la mise en vente sur le marché de viandes d’animaux clonés, et ce malgré la résolution parlementaire européenne du 3 septembre 2008 qui se prononçait contre le clonage d’animaux à des fins de production alimentaire.
Le groupe européen d’éthique n’a lui non plus pas trouvé écho auprès du Conseil, alors qu’il n’avait pourtant pas manqué de souligner les impacts désastreux d‘une telle position, vide de sens, dommageable à la biodiversité agricole et intolérable de par les inutiles souffrances animales occasionnées.
Une position inacceptable du Conseil, qui est encore une fois condamnée par Corinne Lepage, et le Parlement Européen. Une condamnation qui doit toutefois trouver résonance auprès de la Commission Européenne, afin que puisse être présentée au plus tôt une proposition spécifique abordant la question du clonage dans son ensemble.
Car même si le commissaire Dalli s’était engagé - lors de son audition - à traiter la question du clonage et du commerce de viandes d’animaux clonés dans un rapport (et non une proposition), le jeu est encore loin d’être fait. La Commission demeurant pour l’instant favorable à la possible mise future sur le marché de viandes d’animaux clonés, et ce sans procédures d’autorisation préalables.
Que suggèrent de telles dérives, dépeignant un monde où le profit des industriels est assuré au détriment de la santé publique et du bien être collectif. Tout simplement que le citoyen européen et ses représentants se doivent d’être vigilants, et que pour cela, ils doivent pouvoir compter sur la conduite d’expertises objectives et indépendantes, au service d’un monde dont les maîtres mots seront précaution, transparence et pluralisme.
Précaution, pour que ne soient pas répétées les erreurs passées, telles l’inutile clonage animal (tout le monde se souvient de dolly la brebis), les organismes vivants génétiquement modifiés, et même la commercialisation de produits hautement toxiques comme l’amiante.
Transparence, pour que les consommateurs puissent enfin être avertis de ce qu’ils consomment, et des dangers potentiels que cela représente pour leur santé.
Pluralisme, pour que soit dépassée la simple gestion des conflits d’intérêts, et que soient conduites de véritables expertises pluralistes, pluridisciplinaires et contradictoires, susceptibles d’enrichir et d’éclairer les débats publics et politiques.
Enfin, il faut considérer le fait que ne pouvons pas nous limiter aux simples aspects sanitaires pour régir ou non la régulation, voire l’interdiction de certains nanomatériaux et de la viande d’animaux clonés, mais mesurer l’impact global de ces pratiques et les enjeux qu’elles soulèvent.
Au-delà de l’impact sur la santé, il convient donc de s’attarder également sur l’impact biologique (clonage dommageable à la biodiversité), environnemental et socio-économique, bien que ces deux derniers soient dans le cas du clonage difficiles à évaluer.
Quant aux enjeux, ils sont à la fois multiples et cruciaux : ambivalence de certaines innovations techniques et de leur pratique sur le bien-être humain, difficulté croissante de dissocier la science de ses applications techniques, intérêts économiques, et ampleur des changements socio-économiques induits par ces mêmes innovations techniques.
Des enjeux avec lesquels il va falloir composer pour aboutir à une véritable harmonisation et réglementation en terme d’alimentation mondiale, mais aussi de clonage, sans perdre de vue ce qui doit rester un critère essentiel dans la prise décisionnelle : celui de la dignité humaine.