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Corinne Lepage à Strasbourg au meeting de soutien de Jacques Fernique lance un appel pour une nouvelle voie



Je suis là ce soir, à l’invitation de Jacques Fernique et de Dany Cohn Bendit pour deux raisons.
Tout d’abord, pouvait-il en être autrement ? Cette liste Europe écologie, conduite par Jacques Fernique est composée d’amis qui me sont chers, des compagnons de lutte écologique de longue date comme Danny Dietmann, militant de CAP21. Pouvais-je ne pas les soutenir ?
Mais par delà l’amitié et les souvenirs communs, je viens ici ce soir, parmi vous, soutenir une liste qui, demain, dans les urnes, peut gagner sur ce projet qui est l’histoire de ma vie politique, un projet écologique et démocratique.
Alors oui, je suis là ce soir comme militante écologiste de longue date (Fessenheim, vous connaissez, aussi bien que moi, n’est-ce pas ?), comme présidente de CAP21 et comme démocrate dans cette région où cette famille, ma famille aussi, ne peut être absente. Ma présence est donc « naturelle ». Elle est la place d’un éclaireur qui désire tant voir nos idées et notre union, gagner.
Et puis je suis ici pour soutenir un projet fondateur, au-delà des appareils existants, celui d’une nouvelle voie, qui saura, en dépassant les frontières d'aujourd'hui et en étant devant, faire prévaloir des idées qui deviennent majoritaires en France, mais ne peuvent s’exprimer dans les forces traditionnelles.
Nous avons à construire une union nouvelle, une union politique pour un siècle nouveau, porteurs d’enjeux si grands pour l’humanité toute entière.
Cette nouvelle voie écologique, démocratique, sociale et humaniste, est la réponse aux défis sans précédent auxquels nous sommes confrontés.

Une nouvelle voie, écologique, car la rareté des ressources et le croisement de l’explosion démographique et des crises écologiques imposent un nouveau modèle de développement. La disponibilité des ressources commande l’économie, et non l’inverse. L’écologie est notre socle commun, la somme des règles auxquelles l’économie doit se plier. Nous avons à promouvoir une nouvelle économie, nous pourrions l'appeler l’écolonomie.

Une nouvelle voie, démocratique, car la liberté est l'acquis fondamental sans lequel aucun progrès n’est envisageable. La répartition de la rareté constitue un danger démocratique majeur.
Notre union est celle des démocrates, qui veulent défendre notre richesse commune "Liberté Egalité Fraternité", à laquelle je veux ajouter Laïcité.
Or, la crise écologique, doublée de cette crise économique majeure, qui nous a été imposée par le cynisme et une insupportable légèreté de certains, menacent ces valeurs que nous partageons. Démocratique, parce que les grandes valeurs de liberté citoyenne sont aujourd'hui menacées par la puissance de l'argent et l'arrogance du pouvoir.

Une nouvelle voie sociale, car le travail est à la source de l’angoisse de nos concitoyens, soit qu’ils n’en aient pas, soit qu'ils craignent pour celui d'un proche ou d'un enfant, soit qu’ils subissent un stress et une souffrance au travail au mépris de l’Homme, de sa vie, de sa famille. Pourtant, la création d’activités doit être au cœur du projet, comme la juste répartition de la richesse créée. Sociale, parce que l'injustice est toujours plus lourde, et la politique de l'Etat toujours plus favorable aux favorisés.

Une nouvelle voie humaniste, surtout, car les valeurs des droits de l’humain sont non négociables. Ils ne sont pas négociables. Le culte de l’argent est en passe de détruire non seulement notre modèle social mais encore notre système de valeurs lui-même, donnant la prime à l’arnaque, à la frime et à l’avidité, sur ce qui fait l'essence même de l'être humain. Humaniste, parce que nous ne saurions accepter que l'égoïsme et l'apparence l'emportent sur la solidarité, le savoir et la justice.

J’ajouterais en ce jour des femmes, "féministe" qui semble être devenu un gros mot. Nous sommes entrés dans une ère de stagnation, qui précède peut-être une ère de régression du droit des femmes. La menace ne vient pas du naturalisme, comme le craint Elisabeth Badinter, mais bien du système économique, qui fait des femmes les premières victimes des licenciements, des blocages de carrière et des bas salaires. Il vient aussi de l’abandon progressif sur notre territoire des principes fondamentaux de la laïcité et d’une banalisation des symboles d’abaissement et de vassalisation des femmes, qu’il s’agisse de la publicité transformant les femmes en objet ou de la burqa. Sans parler, des baisses de moyens des plannings familiaux, de la multiplication des violences en tous genres faites aux femmes, et de leur sous-représentation systématique. Le succès de notre projet se mesurera aussi en termes féminins. Le sexisme est le premier des racismes, la première pierre d’un monde inégalitaire !


Cette nouvelle voie que nous devons tracer, ensemble, est celle, vous l’avez compris, d’un écologisme humaniste, qui doit nous conduire à une maison commune à la porte de laquelle nous devons laisser nos idées préconçues sur le monde, comme sur nous-mêmes.
Il faut ici et maintenant réaliser l’unité des écologistes et l’union avec les démocrates si nous voulons vraiment faire gagner l’écologie. Il nous faut rassembler sur un projet commun de vivre autrement, ensemble, mieux. Un projet qui donne l’envie de nous faire confiance, un projet qui donne à nos concitoyennes et nos concitoyens confiance dans l’avenir.
Nous n’avons pas le choix, et nous n’avons pas le droit de faire autrement.
Bien sûr nous avons gagné des batailles ensemble, dans les prétoires (rappelons l’Erika ou les OGM), ou au Parlement européen où nos votes se retrouvent. Mais cela ne suffit plus.
Le temps est venu pour nous de nous unir pour convaincre et gagner. En face, un vieux monde, usé et fatigué, mais ô combien encore puissant, s’organisent pour prolonger ses privilèges.
Peut-on en effet, laisser les climato-sceptiques convaincre les gouvernements, et pire encore, les opinions publiques d’abandonner les politiques de lutte contre le changement climatique et d’adaptation pourtant absolument indispensables ? N’est-il pas dangereux de rester divisés pour répondre alors que l’AIE annonce pour 2013 le peak oil rendant inévitable la sortie progressive de la société pétrolière, et qu’une étude très récente a constaté que « la quantité de méthane qui s’échappe actuellement du plateau arctique de la Sibérie orientale est comparable à celle qui s’échappe de l’ensemble des océans du monde ».
Nous sommes en effet, au-delà des réalités physiques de la planète, confrontés à une offensive sans précédent et généralisée des lobbys, qui veulent mettre définitivement la main sur le monde et s’arroger le droit de se partager les richesses naturelles et de gérer la pénurie :
- lobby du pétrole, qui veut dissimuler l’arrivée rapide du peak oil en finançant le climato-scepticisme
- lobby nucléaire, qui veut vendre des centrales aux pays du sud qui bénéficient de l’énergie solaire laquelle pourtant ne manque pas ! Et cet EPR dont une étude récente soulève les risques spécifiques apparemment courus en toute connaissance de cause
- lobby chimique, avec les OGM qui sont relancés en Europe contre la volonté des peuples et les pesticides qui viennent de faire l’objet d’un soutien public qui ne sont pas efficacement combattus
- et surtout, lobby financier, le plus dangereux et le plus puissant, qui après avoir obtenu le secours des Etats, donc des contribuables, spécule aujourd’hui pour les ruiner. Ils se sont enrichis sur les dettes privées et les subprimes. Ils reviennent aujourd’hui jouer avec les dettes publiques pour parties contractées pour eux ! Voilà pourquoi la Grèce doit pouvoir compter, dans cette crise, sur la solidarité européenne.
Nous savons que demain l’eau sera plus rare, l’énergie plus chère. Que voulez vous ? La gestion de la pénurie par ces lobbies, ou le partage équitable des richesses ?

Depuis des décennies, nous avons accumulé les connaissances qui nous permettent de répondre sur le plan scientifique et malheureusement, nous avons eu raison trop tôt. Mais nous ne serons convaincants et crédibles que pour autant que nous disposerons d’un programme économique, réaliste, pragmatique et cohérent, et que nous sortirons d’une écologie de la punition pour proposer une écologie de la solution, qui respecte la liberté de chacun.
Il ne s’agit plus seulement de prendre en compte la dimension environnementale dans les choix économiques - même si par en juger des déclarations présidentielles au salon de l’agriculture ou de l’autorisation donnée de la patate OGM, c’est déjà trop demander.
Il s’agit d’offrir une alternative globale et cohérente au capitalisme financier, à la dictature des marchés soutenue en fait par le néo-conservatisme ambiant, et à une économie financiarisée, dont l’objectif n’est plus le progrès économique, a fortiori le progrès social, mais l’accroissement des profits. Cette transformation n’a été rendue possible que par une banalisation de la criminalité financière, une admission générale des conflits d’intérêts et des trafics d’influence permanents, conduisant à choisir pour les lobbys et contre l’intérêt général.

Les écologistes ne peuvent plus être les gentils écolos, la part morale d’une politique qui n’en a plus. Ils ne doivent plus être les supplétifs, les empêcheurs de polluer en rond.
Nous avons un devoir qui commence ici et maintenant, aux Régionales : Nous devons créer la nouvelle force politique qui assume, aux commandes, ses responsabilités et invente un vrai futur.
Je vous le dis : Nous devons commencer ici ce que nous terminerons ensemble au pouvoir, mettre en œuvre un vrai programme commun, écologique et démocrate. Nous devons porter l’écologisme aux plus hautes responsabilités pour que nos idées deviennent des actes. Tu disais, Dany, il y a fort longtemps, « assez d’actes des mots ». Je reprends la balle au bond et je vous dis « assez de mots, des actes ».

Il n’est pas possible d’entrer dans le détail d’un projet économique global, mais celui-ci est connu dans ses grandes lignes :
- Nouvelle comptabilité, dont le Québec et le Luxembourg viennent de se doter
- Nouvelle fiscalité, qui pénalise l’usage et le gaspillage des ressources collectives et répartit la ressource afin d’assurer une justice sociale. Il en va notamment ainsi des moyens d'adaptation, notamment par une mobilité peu chère et pratique pour aller travailler. Cette fiscalité doit assurer une juste répartition de l’impôt, tant pour les personnes physiques, avec la création de nouvelles tranches pour les plus hauts revenus, que pour les entreprises. Elle doit mettre un terme au scandale qui fait que la moyenne de l’IS pour les entreprises du CAC 40 est à 8% quand elle est à 30% pour les PME.
- Abandon des subventions à la pollution, qui alimentent directement ou indirectement les multinationales, pour cibler l’effort collectif dans la recherche et l’innovation des PME, qui créent l’emploi en France
- Réindustrialisation à partir de l’économie verte, ce qui implique la décentralisation énergétique et l’abandon, pour des raisons économiques et financières, de la prime au nucléaire
- Régulation du système financier en commençant par ce qui peut être fait au niveau national sur les rémunérations des traders, mais aussi sur le management des entreprises, et en continuant avec un effort sur la régulation internationale et l’encadrement très strict, voire plus, des ventes à découvert.
- Un effort en faveur de la consommation durable et équitable pour assurer une alimentation de base saine et proche ; un effort en faveur de l’accès aux services publics, qui disparaissent progressivement et font l’objet d’une entreprise systématique de démantèlement de la part du Gouvernement.
- Le véritable essor de l’économie coopérative, mutualiste, sociale et solidaire qui représente aujourd’hui 10% du PIB et devrait doubler. C’est là aussi un vrai projet démocrate : Faire entrer dans le monde économique la démocratie et permettre à celles et ceux qui créent de la richesse de pouvoir décider en lieu et place de quelques hedge funds cachés dans ces paradis fiscaux qui n’ont pas même tremblé des rodomontades si vite oubliées
Impossible ? Mais que s’est-il passé hier en Islande ? Ce peuple a dénoncé par 93% les dysfonctionnements du système et nous impose de réfléchir à la démocratie économique.

Nous ne gagnerons que si nous savons défendre les libertés : de choisir, de créer, d’innover.
Nous avons soif de démocratie, une démocratie vivante, nouvelle, réinventée… participative ?
La démocratie, c'est l'accès à l’information. Nous devons être les défenseurs d’un débat scientifique ouvert, de l’expertise non dépendante, de la controverse scientifique qui fait progresser le débat et la prise de décision, de l’information honnête, qui permet de choisir en connaissance de cause. Cela, c’est le principe de précaution, et non cette blague d’accord entre laboratoire et experts sur le virus AH1N1.
La démocratie, c’est un accès à une justice indépendante et forte capable de dire le juste, le droit et rétablir les équilibres entre pot de fer et pot de terre.
La démocratie, c’est le droit de gouverner pour le peuple, c’est-à-dire le plus grand nombre, en respectant le pacte social et républicain et les valeurs humanistes qui doivent prévaloir sur le règne de l'argent.
La démocratie, ce sont des institutions qui séparent et partagent les pouvoirs au sommet, qui permettent la mise en réseau des bonnes pratiques à la base pour les faire remonter au niveau pertinent de prise de décision.
Nous avons le pouvoir de changer les choses. Nous avons commencé à Strasbourg, Dany, Eva, Michèle et tant d’autres.
Rendons cela réel et perceptible dans le quotidien de chacun, dans cette région d’Alsace, et ce n’est pas un hasard si c’est à Strasbourg que se joue pour la première fois cette nouvelle donne.
Strasbourg, lieu symbolique de la construction européenne, siège de la Cour européenne des droits de l’homme, capitale de la démocratie et de l’état de droit en Europe.
Construisons ensemble cette nouvelle voie qui unira démocrates et écologistes.
Aucune voix ne doit manquer pour que cette liste, qui ouvre une V.O.I.E nouvelle arrive en tête au soir du premier tour. A partir de ce soir, à Strasbourg, la couleur même de la politique peut changer dans ce pays.
Tout dépend de nous.
L'Alsace peut devenir la première région écologiste d'Europe. Dépassant les actuelles frontières partisanes, nous pouvons construire la maison commune des écologistes, des démocrates, et des humanistes. Nous pouvons entamer ensemble une véritable marche vers le pouvoir, et donc vers les responsabilités.
Nous voulons gagner non pas seulement pour l’écologie, mais parce que nous sommes convaincus que le projet d’une évolution soutenable, d’une écologie humaniste et dotée d’un projet économique cohérent et réaliste est vital pour sortir des crises.
Nous ne sommes plus la force supplétive et morale des vieux partis. Nous sommes la force politique qui va imprimer une nouvelle page dans ce pays : Une nouvelle espérance qui va changer la vie des Françaises et des Français !
Ensemble, nous gagnerons !

Mardi 9 Mars 2010
Corinne LEPAGE
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